Le Laotien


Extrait de « Poésies Tristes et Gaies » de Louis CHEMIN

Le Laotien

Partant en convoi ce matin
J’ai vu de sa cagna sortant
Un laotien sur le chemin
Tout guilleret partir aux champs.

Ses buffles pataugeaient dans l’eau
Suivant le bord de la route
Lui à cheval sur le plus beau
Remorquait l’autre au cri de: Houte !!..

Et il nous regardait passer
Nous, défendeurs de sa rizière
Et en pensée nous associait
Le soir venu, à sa prière.

Ce soir allant prier Bouddha
Les bras chargés par les offrandes
Il lui demandera tout bas
Une victoire pour les « Phalangues »

Et sûr ainsi d’être entendu
Il partira, le laotien
Dormir enfin de tout son dû
En espérant le lendemain.

Savannaket
23 Juin 1952


Ce poète imprégné d’aventures rimbaldiennes  commença son aventure à la Villon. Incorporé à Draguignan, pour ses dix-huit ans va connaître la prison pendant quatre mois, suite à une « virée » trop arrosée en compagnie d’un copain : la voiture embrassa un platane.
Il embarque à Marseille sur un vieux rafiot le « Montbéliard » qui le mène à Saïgon. Ensuite, il suivra la rive du Mékong, route Vientiane-Paksé, jusqu’au Laos, rejoignant à Savannaket le 5ème B.C.L Bataillon de chasse laotien (chars légers) de la D.I.R –Direction Intendance Régionale- pour combattre « le vieil Hô ».
Après les puces de la prison il va connaître les moustiques, la chaleur et la sueur, les pluies, la culture et la spiritualité ainsi que les rites du pays dans lequel il est appelé à combattre, et sera piqué par l’amour de « Camh », une belle cambodgienne au travail tarifé qu’il devra quitter non sans quelque chagrin, son service militaire accompli du 31 Août 1950 au 24 Décembre 1952, avec pour « galon de laine » celui de caporal, lequel à son grand étonnement lui vaudra de féroces jalousies.

*

Je souhaite remettre ce document manuscrit aux membres de sa famille : un simple cahier brouillon de marque Herakles à couverture bleue, où sont relatées ses aventures décrites en poésie avec beaucoup d’émotion et de sensibilité non exemptes d’humour.
Conscient de ses « imperfections poétiques » de facture qui se voudrait classique, ce manuscrit est un véritable témoignage digne des plus grands reportages de troupes d’occupation, et des plus pures consonances d’ordre poétique. Il mérite d’être respecté et préservé.
A ce titre j’ai besoin de votre concours et fais appel à vos talents de détectives locaux.

Louis CHEMIN
Secteur La Bassée : limites départements 59/62.
« Poésies tristes et gaies »
2eme mention Prix Onitis  - 1983 -

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